Les IA médicales et l’accès aux données de santé

Les données médicales constituent la matière première indispensable pour prédire des maladies, diagnostiquer une pathologie ou améliorer le suivi des patients. Voici quelques exemples d’applications actuelles ainsi qu’une présentation rapide et non exhaustive des conditions d’accès au Big Data santé en France.

Crédit image : Hospitalia.fr

L’aide à la décision et au diagnostic

Un grain de beauté est-il un mélanome, un scanner cérébral ou une radiographie des poumons présentent-ils une tumeur atypique ?
L’IA assiste le médecin et l’aide à poser un diagnostic ou à lever des soupçons sur une pathologie rare. Grâce aux milliards de données du Big Data, un programme d’apprentissage permet à un algorithme d’accumuler des connaissances et ainsi à reconnaître les signes visibles ou atypiques d’une maladie. Cette assistance à la lecture de données médicales évite les tests invasifs comme les biopsies.
Exemple : une des Google IA prédit le cancer du poumon avec 94,4 % de réussite[1].

Chirurgie assistée par ordinateur et parfois à distance

Les robots chirurgiens prennent place dans les salles d’opération. Plus précis et fiables que la main humaine, ils réduisent les risques et limitent les complications et les cicatrices. Grâce à leurs bras articulés, ils peuvent pratiquer une chirurgie mini-invasive ou permettent des opérations à distance.

Prévenir les pandémies

L’application « Stop Covid » en est la dernière démonstration. Les algorithmes sont largement utilisés par les épidémiologistes du monde entier. Actuellement, ils confrontent leurs prédictions assistées par IA, aux réalités géographiquement localisées.

Prévenir plutôt que guérir

L’IA permet de détecter les marqueurs biologiques annonciateurs de maladies. Un diagnostic précoce permet de réduire la mortalité et parfois même la lourdeur des traitements. Par exemple, l’IA serait ainsi capable de prédire la maladie d’Alzheimer à partir de l’imagerie cérébrale TEP-FDG ou d’un échantillon sanguin[2].

Ma santé, ma médecine

Nous savons toutes et tous que nous ne sommes pas égaux face aux traitements médicamenteux. Les interactions de certains médicaments avec la singularité de notre patrimoine génétique, provoquent parfois des catastrophes jusqu’alors, imprévisibles. Grâce aux progrès combinés de la génétique, de la pharmaceutique et de l’informatique, on arrive aujourd’hui à prescrire des médicaments quasiment sur mesure en fonction du profil ou du degré de maladie d’un patient. L’IA permet ainsi de prescrire des molécules plus efficaces, avec moins d’effets secondaires, et parfois de réduire les doses nécessaires.

Les Chatbots médicaux

Plutôt que de chercher des informations plus ou moins fiables sur Internet, les patients du Web disposent maintenant de chatbots. Ces robots conversationnels répondent à la plupart des questions en discutant directement avec le patient. Le chatbot Vik[3], spécialisé dans le cancer du sein, L’asthme, la dépression, les ovaires, la sexologie, la migraine (sic) donne ainsi accès à de nombreuses informations sur la maladie et son traitement.

Posez-lui quelques questions et le chatbot vous propose un prédiagnostic et orienter la consultation avec un médecin. Les chatbots sont aussi présents dans le domaine de la santé mentale : des études ont montré que les gens se confient plus facilement à un robot qu’à un humain. Sur ce sujet, voir stress post-traumatique de soldats américains et utilisation d’une IA psy[4]. Selon une étude réalisée par P&S Market Research, le marché mondial de l’informatique cognitive des soins de santé devrait atteindre 13,3 milliards de dollars d’ici 2024, avec un taux de croissance annuel composé de 34 %.

Le BIG DATA DE LA SANTE

Aucune de ces applications médicales ne serait envisageable sans la disponibilité de données de santé. Il faut toutefois distinguer les données de santé centralisées et anonymisées, des données purement personnelles dont l’IA a également besoin pour faire matcher ce qu’elle apprend, ce qu’elle agrège, ce qu’elle « sait » et ce qu’elle détecte sur un individu. Les données de santé sont sans nul doute, les informations les plus personnelles et les plus sensibles. A ce titre, elles sont également les données les plus protégées par la loi. De la loi informatique et liberté de 1978 à celle du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) de 2018, 40 années de pratiques, de réflexions et d’ajustements sur la collecte, la conservation et l’exploitation de données à caractère personnel, autorisent les instances en charge de cette sécurisation de l’intimité individuelle à mettre en œuvre des conditions et des procédures d’accès aux Big Data sanitaires en France. Vous trouverez ci-dessous quelques informations sur l’outil mis en œuvre par la France pour faciliter l’exploitation de ces données dans le cadre d’études très contrôlées.

L’ACCES AUX DONNEES DE SANTE

Dans l’objectif de favoriser la recherche et d’améliorer les politiques publiques en santé, le gouvernement s’était engagé, au travers de la loi Santé[5], à rendre de nombreuses données de santé plus accessibles pour les travaux “présentant un intérêt public”, à la condition que leur exploitation garantisse l’anonymat des patients. Le texte imposait également de nombreuses garanties dans l’intérêt de toutes et tous.

Le SNDS

Créé en 2016, le Système national des données de santé (SNDS), qui regroupe le Système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie (Sniiram) et le Programme de médicalisation des systèmes d’information des hôpitaux (PMSI), compile 1,2 milliard de feuilles de soins, 500 millions d’actes médicaux et 11 millions d’hospitalisations par an.

Cette base “unique en Europe, et au monde” a été complétée en juin 2017 par les causes de décès, puis en 2018 par les données relatives aux handicaps et, en 2019, par “un échantillon de données de remboursements fournies par les complémentaires santé”. Géré par la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS), le SNDS permet de chaîner depuis le 1er avril 2017 :

  • les données de l’Assurance Maladie (base SNIIRAM) ;
  • les données des hôpitaux (base PMSI) ;
  • les causes médicales de décès (base du CépiDC de l’Inserm) ;
  • les données relatives au handicap (en provenance des MDPH – données de la CNSA) ;
  • un échantillon de données en provenance des organismes d’Assurance Maladie complémentaire.

Ont un accès permanent au SNDS du fait de leurs missions de service public, l’Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la Haute autorité de Santé (HAS), mais aussi les agences régionales de santé, le service de statistiques du ministère de la Santé ou encore les chercheurs des CHU ou de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

CONDITIONS D’ACCES

Le décret prévoit en outre l’attribution de pseudonymes pour les patients et fixe la durée de conservation de leurs données : “dix-neuf ans en plus de l’année au cours de laquelle elles ont été recueillies”, avant archivage pour dix années supplémentaires.

ACCES OUVERT ACCES CONDITIONNEL

Certaines données sont mises en ligne en « open data » ou « Data.Drees » à destination du grand public[6]. Pour accéder aux autres, à défaut d’avoir un accès permanent, les organismes publics et privés, notamment les entreprises, devront prouver « l’intérêt public » de leur démarche et obtenir une autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) en déposant une demande auprès de l’Institut national des données de santé[7].


[1] https://www.nature.com/articles/s41591-019-0447-x et https://www.lepoint.fr/sante/google-peut-desormais-detecter-le-cancer-du-poumon-28-05-2019-2315646_40.php

[2] https://www.revmed.ch/RMS/2018/RMS-N-630/Predire-la-maladie-d-alzheimer-grace-a-l-intelligence-artificielle#:~:text=%C2%AB%20Nous%20avons%20d%C3%A9velopp%C3%A9%20un%20algorithme,ans%20avant%20le%20diagnostic%20clinique.

[3] https://wefight.co/fr

[4] https://woebothealth.com/  et https://mental.jmir.org/2017/2/e19/ pour le rapport d’analyse de l’usage et autres chatbots médicaux santé mentale anglosaxons : Replika, Youper, 7Cups, Wysa, Owlie, Koko.

[5] LOI n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé

[6] http://www.data.drees.sante.gouv.fr/ReportFolders/reportFolders.aspx?sCS_referer=&sCS_ChosenLang=fr

[7] Arrêté du 5 mai 2017 portant nomination au Comité d’expertise pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé – NOR : AFSE1711588A – JORF n°0110 du 11 mai 2017

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *